Jacques Flournoy. Journal, 1675-1692

Né en 1645, Jacques Flournoy, descendant d’une famille huguenote réfugiée à Genève à la suite de la Saint-Barthélemy, était le fils du pasteur Gédéon Flournoy. Il devint lui-même pasteur en 1668, fut nommé à Jussy (GE) en 1676 et y resta jusqu’à sa mort en 1693. Il tint son « Journal » de 1675 à Noël 1692. Son texte ne comporte ni anecdotes, ni « racontars », ni renseignements personnels ou familiaux. Il se présente comme une chronique rapportant les événements avec précision et souvent en détail. Ce souci de présentation « objective » n’interdit pas l’émotion, par exemple, dans la relation de la fermeture des temples de Moëns ou de Russin avant la Révocation ou dans le récit de la conversion forcée du pays de Gex en 1685. Flournoy a un goût prononcé pour l’histoire, l’épigraphie et la numismatique. Il relate en priorité les événements qui ont un lien avec la situation géopolitique de Genève, au centre d’un triangle formée par la France, la Savoie et les Cantons suisses. Cette attention dominante s’accommode de quelques faits divers – passage de comète, tremblements de terre, gel de la rade, incendie de Vevey, naufrage d’une barque remplie de réfugiés devant la Pierrière. Il est une source précieuses pour connaître les circonstances et l’installation des premiers résidents de France à Genève dès 1678, l’arrivée de milliers  de réfugiés huguenots en 1687, l’organisation des diverses tentatives qui aboutiront à la « Glorieuse rentrée » des Vaudois du Piémont en 1689, les pressions constantes de Louis XIV sur Genève pour obtenir le renvoi des réfugiés. Modèle de chronique soigneusement informée, le « Journal » est un excellent témoignage de la manière dont on percevait l’histoire de Genève à un époque où l’histoire inventait ses méthodes, découvrait la critique et s’essayait à établir les faits de manière un peu impartiale, sans perdre son rôle apologétique au service de l’Etat