Le parcours du combattant

Début mars 1758 : le prince-évêque de Bâle Rinck de Baldenstein lève un régiment au service de France, qu'il confie au colonel d'Eptingue. Nous connaissons les hauts faits, les péripéties, les tragédies que ce corps a connus. Et pourtant, l'histoire du mercenariat jurassiens reste à écrire ! Alors que les cantons de Zurich, d'Argovie disposent d'études relativement récentes quant à leurs troupes capitulées, alors que l'émigration militaire neuchâteloise au 18e siècle fait l'objet d'une importante recherche universitaire, nous devons nous contenter d'un ouvrage paru à la fin du siècle passé, s'intéressant d'avantage à " l'histoire-bataille " qu'aux aspects sociaux, économiques ou démographiques. Notre travail prétend combler une part de cette lacune, en s'appuyant sur les contrôles de troupes, ces listes qui enregistraient le signalement des mercenaires et qui se prêtent idéalement à un traitement statistique. La question première à élucider touche à la composition géographique du régiment, qu'il s'agira d'étudier dans ses rapports avec la situation économique et démographique de l'Evêché. Autrement dit : la structure économique de la région influence-t-elle la géographie du recrutement ? A l'heure de la crise de subsistance qui touche une bonne partie de l'Europe en 1770, une autre question surgit : le volume du recrutement est-il dépendant de la conjoncture économique ? Même si la période étudiée reste relativement brève (1768-1770), elle présente l'avantage de recouvrir deux moments radicalement différents : le séjour du régiment en Corse, durant plus d'un an, et des instants plus calmes, précédant et suivant la campagne. Ce qui nous permettra de dégager le rôle d'une campagne dans des domaines aussi divers que la qualité du recrutement, la désertion ou la mortalité. Dans cette étude, nous nous proposons de suivre le mercenaire dans son cursus militaire, de son arrivée au régiment jusqu'à l'instant où il le quitte. Le parcours du combattant en quelque sorte...